Je suis très heureux de pouvoir soutenir l’artisanat français à travers Griffon Microphones : Microphones made in France fabriqués à la main par Sammy Maujard. Si tu cherches un micro large ou petite membrane de grande qualité pour ton studio ce n’est pas la peine d’aller chercher plus loin. Je te laisse lire la très bonne conversation que j’ai eue avec Sammy.
Griffon Microphones : Le micro de studio Made In France
Salut Sammy peux-tu en quelques mots nous présenter ton parcours jusqu’à Griffon Microphones ? Ton métier ?
Avant je cumulais beaucoup de travail, machiniste dans les théâtres, assistant son en studio, montage de scène dans les festivals. J’essayais de rester dans le milieu de la culture, en montant en parallèle Griffon Microphones et General Audio Research qui est mon autre boite qui est la plus pour faire des prototypes, ou des circuits imprimés, un peu toutes les envies.
J’ai interviewé récemment Marc Henry de l’Atelier du Microphone tu le connais peut-être ?
Oui, c’est un ami on est souvent en contact, on s’entraide de temps à autre. C’est un petit milieu, ça se sait vite. On est presque voisin.
Je suis vraiment content qu’il y ait des artisans comme vous qui fabriquiez du matériel audio et des microphones de qualité. En plus Griffon Microphones pratique vraiment des prix abordables.
J’essaie, ça fait partie du comment et pourquoi j’en suis arrivé à fabriquer des micros. Le début c’était quand tu veux t’équiper pour un studio, le vintage c’est hors de prix et le neuf de qualité est hors de prix aussi.
Donc tu fais un peu comme tout le monde au début tu achètes des micros bas de gamme chinois, tu n’as pas le choix. Ça permet de découvrir mais tu vois vite les limite de ce matos.
Donc la seule solution ça a été de fabriquer du matériel. Pour pouvoir mette toute la qualité possible, en matière de composants, de recherche de son, et de bon prix aussi.
Du coup j’ai attaqué comme ça, au départ j’ai fabriqué des préamps pour mon utilisation personnelle en studio. Et au fur et à mesure les copains m’ont sollicités pour leur en fabriquer. Puis c’est devenu une grosse passion, j’adore faire ça. J’ai donc fait de moins en moins de son et de plus en plus de fabrications de machines.
J’ai toujours aimé fabriquer des choses c’est de la recherche, du développement. Et d’avoir des très bons retours c’est cool, ça fait toujours plaisir. Et le but est de pouvoir proposer du très bon matériel à prix juste
Tu es musicien ou technicien à la base ?
Je fais un peu de batterie mais j’ai vite arrêté de prétendre être batteur. Je préfère vraiment l’enregistrement. C’est vraiment le monde du studio qui m’intéresse. Surtout la réalisation.
Fais-tu aussi de la réparation ?
Non j’en fais très peu. J’en fais à la demande pour certains clients, ou certaines demandes un peu spéciales, ça m’arrive mais j’évite au maximum. Je laisse la réparation aux réparateurs. Je préfère me concentrer sur le développement et la production. Je suis quasi un des seuls fabricants de microphone en série en France. Je trouve ça incroyable qu’il n’y ait pas plus de fabricants.
C’est pour ça que tu t’es orienté vers le circuit imprimé, pour pouvoir faire de la série et des prix abordables ? Le câblage en l’air ça ne t’intéresse pas ?
Alors il y a beaucoup de légendes sur le câblage en l’air. Ce n’est pas forcément mieux. Le circuit imprimé on peut avoir des choses vraiment meilleures on peut réduire toutes les inductions. Il y a beaucoup de problèmes que l’on peut régler sur des circuits imprimés. C’est vraiment une fausse idée de se dire qu’un micro câblé en l’air ça sonne mieux que sur PCB.
Pour moi le câblage en l’air, c’est uniquement esthétique, en plus dans un micro à tube ça peut être dangereux, il y a de la haute tension il faut faire gaffe. J’en ai fait un peu pour les pédales de Fuzz c’est mignon, c’est rigolo. Mais je préfère vraiment la technique du circuit imprimé. Je trouve ça vraiment plus élaboré.
Le micro à lampe je ne suis pas ultra fan. La technologie est dépassée dans les micros à tubes. J’aime bien certaines couleurs mais le problème… En gros les ingénieurs d’époque quand ils concevaient un micro à tube parce qu’ils n’avaient pas le choix, le transistor n’était pas encore disponible. Ils essayaient de trouver la meilleure qualité possible, le moins de distorsion, le moins de couleur possible. Que ce soit le plus neutre, le plus droit.
Et au final quand tu mets un tube dans un micro t’essaies qu’il soit le plus plat possible, et du coup ça n’a plus grand intérêt de mettre un tube, autant mettre un transistor qui fera mieux le boulot, qui consommera moins d’énergie, qui sera moins dangereux, et qui aura moins de bruit de fond. C’est une nostalgie que je peux comprendre. Je fais quand même quelques micros à tube où il y a vraiment le son bien distinct du tube et c’est cool aussi, mais je pense qu’il y a beaucoup de trucs beaucoup mieux maintenant.
Pour ma part j’ai une affection particulière avec les grands micro à lampes d’époque, le Neumann U67, le Neumann U47 ou le AKG C12 ont un son fabuleux je trouve.
C’est clair ça sonne super bien. Mais maintenant refaire des clones de Neumann U47 avec des tubes EF800 ou des tubes vraiment modernes, ça n’a pas vraiment d’intérêt. Retrouvé une vraie EF14 ou VF14 de toute façon c’est impossible maintenant et aucun ne sonnera pareil.
Ça ne me dérange pas quand j’ai des clients qui me demandent de partir dans des gros délires de son j’adore, c’est toujours la passion qui parle. Mais en série ce n’est pas le genre de choses que je ferais. Ça ne m’intéresse pas et puis il y a d’autres trucs à faire, d’autres trucs à développer qui sont maintenant plus intéressants.
Après certaines personnes font des clones pour s’entrainer, les circuits sont à disposition sur le net.
C’est clair les clones c’est vraiment un truc super pour pouvoir se mettre à la fabrication. Tu peux vraiment commencer à bien te marrer avec.
Après en tant que fabricant je ne préfère pas faire des clones, je préfère faire des inspirations. Je préfère partir sur des schémas et les retravailler, faire des sortes de Frankenstein microphones. On ne réinvente pas l’eau tiède non plus, mais tu vois de reprendre le transfo par ici, la capsule par là, certains composants modernes, d’autres plutôt rétro, vintage. Il y a un assemblage qui fait que tu trouves des choses maintenant qui n’existaient pas avant. Tu prends le meilleur des mondes au final.
C’est pour ça que mes micros sont appréciés aussi, on repart sur des bases classiques comme un AKG C12 ou un Neumann U47 ou Neumann U67. Mais avec quelque chose en plus. Et puis surtout le prix parce que aujourd’hui un C12 ça vaut 20 000 € un U47 pareil et puis il faut avoir les reins solides pour la maintenance.
Effectivement je ne vois plus l’intérêt aujourd’hui pour un studio d’acquérir des micros vintage comme ça.
J’ai eu la chance d’en acquérir des Shoeps m221 des micros qui font partie des plus beaux micros qui n’ont jamais été créés, mais tu n’oses pas les utiliser au final. J’en ai deux et je sais que l’un servira juste à réparer quand l’autre sera cuit, rien que le tube coute 1000 €. C’est une folie, maintenant pour les studios ça ne vaut pas le coup.
J’avais entendu Soundcloud de Griffon Microphones des versions de U47 a tube. Tu t’étais amusé à en faire ?
Oui j’en ai fait des U47 mais en utilisant des tubes Russe, avec des techniques un peu marrantes de circuits, avec des capsules type k47, pour retrouver un peu ce son cette chaleur, cette grosseur dans le médium, ce grain.
Avec le circuit original ?
Non toujours avec mes propres circuits. Je cherche toujours aussi la simplicité des circuits.
Je pense que c’est une bonne optique.
Oui il y a quelque chose d’intéressant à simplifier au maximum des fois. De faire les choix les plus pertinents possibles et de t’amuser en le faisant.
Certains circuits de microphones sont des orgies de composants, un peu des délires d’ingénieurs, pour déposer des brevets ou des trucs comme ça mais au final ça ne sonne pas mieux.
Tu as appris l’électronique comment ?
Tout seul, en expérimentant, je suis resté enfermé chez moi pendant une bonne année quand même. Ça demande beaucoup d’implication. Après tu as l’impression de dédier ta vie à l’électronique.
Je comprends j’ai un peu mis le nez dedans, je me suis mis à bricoler une FuzzFace. J’ai regardé les circuits de microphone mais c’est vrai que si tu te mets là-dedans il ne faut faire plus que ça !
C’est comme un musicien il faut répéter toute ta vie. Ça demande du temps et de l’implication pour être bon dans ce que l’on fait. J’ai dû mettre de côté le studio ou la réalisation.
Ce que j’aime beaucoup c’est de penser que les gens utilisent ton matériel et qu’ils produisent de belles choses. C’est intéressant de donner des outils à des artistes, un peu l’homme de l’ombre.
Un truc que j’aime beaucoup chez Griffon Microphones, et je trouve ça important. C’est que tes micros en plus de sonner très bien sont esthétiquement vraiment beaux.
Ça fait partie aussi de la recherche d’avoir des beaux outils. Avec des beaux outils, tu fais des belles productions. On aime les beaux objets. Le Griffon Microphones GMT-19 qui est sortie là ça fait 6 mois qu’il est en dessin.
J’ai tout de suite repéré l’inspiration du Lomo 19a9. Je trouve que t’a vraiment bien réussi ton truc.
Oui ce micro-là m’a toujours halluciné, je trouve le look incroyable, trop beau mais trop cher aussi ! Il est inspiré aussi de l’art déco Belge et Français c’est un retour. Pour plaire aussi aux clients il faut qu’il se raccroche à une identité qu’ils connaissent déjà un peu. Il ne faut pas le négliger. Quand t’es coiffeur on te demande des coupes carrées tu ne fais pas du triangle. Il faut être raccord. Des corps type C12, U47 j’en ai fait un moment, mais là j’avais besoin de trouver un visuel qui soit unique, qui soit reconnaissable. Je ne voulais pas utiliser des corps de microphone générique pour avoir une identité plus marquée.
Les corps des micros Griffons Microphones tu les fais faire où ?
Ça c’est secret ! Depuis la crise du COVID j’ai restreint les fournisseurs, pour que ça ne soit pas trop éparpillé dans le monde. Des composants viennent du monde entier des fois c’est trop. mais quand tu fais appel à des tourneurs fraiseurs en France c’est une grosse galère et c’est bien dommage. J’en fais en France aussi, mais j’en fais dans toute l’Europe, certaines pièces en Italie d’autres ailleurs, c’est une grosse recherche.
Justement je te posais la question pour savoir si tu bossais avec le petit tourneur fraiseur du coin. Je me suis dit ça ne ressemble pas à du made in China.
Oui aussi. Et effectivement c’est du made in Europe. Mais c’est compliqué certains délais c’est six mois d’attente. Alors effectivement je pourrais les faire fabriquer en Chine, mais ça ne m’intéresse pas non plus. Et toujours garder un bon prix, ça fait beaucoup de choses, c’est un peu un casse-tête. Mais ça se fait, il ne faut pas lâcher.
Sur le site de Griffon Microphones j’avais vu passer un magnifique micro inspiré du AKG C414 ou du C412 qui me donnait vraiment envie.
C’était un super projet, pour le moment j’en ai fait une vingtaine. Et c’était une série limitée. J’ai eu l’occasion d’avoir un clone de corps quasi parfait en petite quantité et j’ai sauté dessus. J’étais partie sur un clone du AKG C412 qui était la première version du AKG C414. Un tout petit plus simplifié, je n’avais pas mis de PAD ce genre de choses. C’est vraiment pour moi la meilleure époque de ce 414 : transformateur, un transistor, un circuit assez simple bien foutu, assez peu de composant et une capsule 412 en laiton. Pas facile à monter, tout au chausse-pied. C’était sympa à faire, je m’en suis quand même gardé deux.
Quand tu me dis que tu ne mets pas de PAD dans ta démarche sur tes microphones tu évites ce genre de choses pour simplifier au maximum le circuit ? C’est une marque de fabrique Griffon Microphones ?
Quand je pars d’un schéma, j’essaie vraiment de faire une ligne qui amplifie. La capsule, l’adaptation d’impédance et il faut que ça parte dans le préampli le plus rapidement possible. Ça veut dire aussi le moins de composants, donc pas de PAD, pas de coupe bas, pas de coupe haut, pas de multidirectivité avec des résistances dans tous les sens. Ça veut dire moins de circuit de contrôle d’alimentation. Tu vois j’essaie d’être le plus passif possible dans la gestion d’alimentation dans le microphone. C’est ce qui donne un son pur, moins de distorsion, moins de bruit.
Ça permet également de passer moins de temps à la fabrication et de réduire les coûts. Si je voulais faire de la multidirectivité le microphone prendrait un bon billet d’un coup.
Je trouve que c’est une bonne approche la simplicité, le son pur, le coupe bas on peut le faire au mix…
Les PAD ça serait peut-être les seules choses que je pourrais rajouter, mais le problème des PAD, c’est un switch et un condensateur en plus et ça ramène beaucoup de bruit quand même.
Après les coupes bas, les coupe haut tu peux le faire sur ton préampli ou sur ton DAW. Et pour la multidirectivité j’ai pour principe de faire un microphone par directivité. Si t’as besoin d’une directivité en 8 tu peux prendre un micro à ruban, ou je vais bientôt faire des micros électret figure en 8. Un micro cardio, un omnidirectionnel, c’est un peu un délire d’audiophile mais un micro par directivité je trouve que ça marche. Et 95% de mes clients ont besoin d’une directivité, cardioïde ou cardioïde un peu plus large.
Si tu utilises des microphones omnidirectionnels, vraiment je te conseillerais de partir sur des petites capsules comme le Griffon Microphones GMT-120 ou le Griffon Microphones GMT-110. Plutôt même le 120 quitte à prendre un omni on cherche à avoir la réponse en fréquence la plus plate. Dès que tu veux faire une capsule cardio tu vas toucher à la physique de la capsule et tu vas déformer le son forcément. Du coup si tu cherches la réponse la plus plate possible, le plus neutre le timbre le plus défini possible, et bien il vaut mieux partir sur des petites capsules comme le GMT-120 où tout est fait pour être le plus clean possible.
La capsule omnidirectionnelle en large capsule maintenant aujourd’hui ça ne vaut plus vraiment le coup. Ça dépend aussi du style musical où tu choisiras des outils différents forcément.
La coloration si tu cherches ça tu peux l’avoir autrement !
Complètement, d’où aussi le son des tubes on en revient toujours à là. Je préfère par exemple des préamplis à tube, je suis ultra fan. Là ça a tout son sens. Tu peux récréer des vieilles machines, j’ai mis des circuits sur General Audio Research, les vieux RCA BA-2C c’est géant, les RED-47. Tous ces préamplis là où tu vas pouvoir facilement tordre le son comme tu le souhaites et de là avoir une vraie couleur sonore.
Le RCA BA-2C comparé au RED 47 de chez Abbey Road est complètement différent, pourtant on est dans les mêmes années. Mais le RED 7 est un préampli ultra clean au départ, pour le tordre il faut le guider !
Parle-nous un peu du Griffon Microphones GMT-110.
Le GMT-110 est un micro qui est dans la même veine que le GMT-120 mais avec une capsule qui est beaucoup plus aéré. C’est un microphone qui est fait pour être très abordable. J’ai fait tout un circuit qui n’est pas sensible au rayonnement électromagnétique. Il est ultra léger, il est fait pour être soit suspendu sur des coursives, ou mis dans des salles vraiment au lointain, pour prendre toute l’atmosphère.
Et le GMT-120 lui est fait pour du closemic, plutôt proche. Ce sont deux couples que tu peux utiliser en même temps. Si tu enregistres une scène dans un auditorium avec un trompettiste par exemple. Tu mets un couple de GMT-120 en ORTF ou en petit AB (techniques de prise de son stéréo) à mètre de distance du musicien. Et pour avoir toute l’atmosphère et la réverb, tu mets les GMT-110 au milieu de ta salle en couple grand AB à plusieurs mètres de distance pour avoir un truc vraiment immense et là tu vas vraiment avoir que le son de la réverb et de la pièce.
Et tu peux marier tout ça dans ton mix avec ces simples deux couples, tu vas pouvoir faire une stéréo immense avec toute l’ambiance, mais en même temps précis grâce aux GMT-120.
Ça pourrait marcher avec deux GMT-120 en overhead de batterie et deux GMT-110 en micro room ?
Complètement oui. Après il y a plein de clients qui utilisent les GMT-110 en proximité et qui disent, c’est génial, c’est super précis. Il y a une grosse bosse à 8 kHz, ça marche d’enfer mais tu auras une batterie qui sera ultra ouverte c’est clair.
Et j’ai des clients qui m’ont envoyé des prises de son piano où ils étaient à un mètre du piano et c’est super beau.
Ça doit être beau sur les pianos ! Mais si tu as une bosse comme ça sur les overhead batterie ça ne fait pas trop de brillance sur les cymbales ?
Après ça c’est le choix du réalisateur !
Ton nouveau Griffons Microphones GMT-19 est à transistor ? Tu vas peut-être en faire un à tube ?
Alors oui il est à transistor. Le GMT-19 est une nouvelle plateforme, pour les larges capsules, même voir petites capsules. C’est-à-dire que le corps c’est la plateforme et après je vais pouvoir faire des séries à transistor, à tube, avec différentes capsules type 47, 67 et 12 en changeant les numéros de série. C’est le nouveau corps, la nouvelle plateforme de chez Griffon Microphones.
Le premier à sortir c’est le 67 et ensuite je vais pouvoir ajouter les capsules 47, les capsules C12. Faire une autre version du GMT-120 dans ce corps de microphone, avec des composants encore plus haut de gamme, dans les condensateurs… Ça va me servir de base pour développer une multitude de différents micros.
Parce que tu arrives à rentrer un tube là-dedans ?
Par contre, la version à tube ce n’est pas encore prêt d’être sorti, il y a du boulot ! En fait là-dedans je ne peux rentrer que le tube et une partie du circuit. Le transfo et la grosse partie de l’électronique, elle va être mise dans l’alimentation. C’est le seul moyen parce qu’il n’y a pas beaucoup de place.
Tu utilises des condensateurs papiers huilés ?
Oui j’en ai fait, j’ai fait des séries de 47 au papier huilé. J’ai la chance d’avoir un fournisseur juste à côté de chez moi qui récupère des stocks incroyables.
Donc pour toi le condensateur papier huilé a une différence audio ?
Ça a une différence, mais il faut que ce soit en adéquation avec le circuit que tu cherches. Quand je cherche un son très moderne, des transitoires très rapides, je ne peux partir sur quelque chose avec des vieux composants des années 1940, ça n’a pas de sens. Là j’irais plutôt chercher du côté industrie aéronautique ce genre de choses, où tout est contrôlé.
Mais si tu veux du vintage, je pars sur des condensateurs papiers huilés, des tubes Russes, et du câblage en coton huilé, quitte à le faire autant le faire à fond.
Selon toi est-ce-que aller dans « l’ultra-moderne », les réponses très rapides en transitoires ne donne pas un côté « froid » au son ? Où est-ce simplement une reproduction plus fidèle de la réalité ?
Alors ça, c’est très intéressant ce que tu dis. Je pensais faire un petit lexique de ces mots-là qu’on utilise beaucoup en studio. L’analogie du chaud, du froid. C’est très proche aussi de ce que l’on fait dans la photographie, quand on cherche un objectif… Ce n’est pas si simple.
On peut vouloir aimer quelque chose de chaud mais précis en même temps. Après on va avoir un terme péjoratif qui est chirurgical par exemple pour un microphone.
Ça peut être ultra plat, ultra clean, ça ne conviendra pas forcément pour du rock. Mais prendre de la musique baroque dans une église avec ce son-là où il n’y a aucune déformation du son, c’est génial, c’est ce que tu recherches.
Après on cherche souvent des casques audios qui sont chirurgicaux au contraire. Ou des enceintes de monitoring. Il faut que ce soit plat, on ne cherche pas des enceintes de monitoring chaudes, colorées ou vintages !
Au final il n’y a pas de mieux ou de moins bien tout est question de l’utilisation du microphone selon son contexte. Il n’y a pas de micro trop chaud ou trop froid ça dépend du type de musique, du son que tu cherches. C’est tout le boulot du réalisateur, sélectionner le bon micro, le bon préampli. Utilisé dès la prise le matériel qui faut pour avoir le son final voulu.
C’est une chose que vraiment beaucoup d’ingé son devraient faire c’est d’utilisé le plus possible le micro, la compression, l’EQ à la prise de son. De ne pas avoir peur de ça. Tiens je fais du blues rock années 50, je vais chercher le matos qu’il faut pour sonner comme ça. Et tu as déjà la couleur à la prise de son, le gros du boulot est déjà fait. Choisir le micro le plus droit possible avec la pièce, la plus droite possible et tout faire en post prod au mixage est une erreur.
Les plugins, les simulations de micro, les simulations de préampli, c’est super pratique au final tu deviens informaticien, tu ne te marres plus. Par contre c’est moins cher.
Comparé à avoir une armada de compresseur audio hardware, en plugin tu peux retrouver une couleur, une entité et l’utiliser à l’infini sans claquer autant de tunes.
C’est une histoire d’argent c’est toujours ça sinon tout le monde aimerait avoir des colonnes de compresseur 1176 c’est clair et net !
Mais c’est vrai que si tu peux déjà faire le gros du boulot à la prise de son avec ton matériel à disposition par les choix des microphones, des préamplis il faut aller là-dedans parce que tu ne vas pas enregistrer du rock comme de la musique classique.
Oui c’est clair et tu t’améliores beaucoup aussi en termes de réalisation. Et après le premier EQ c’est la room.
Oui déjà il faut commencer par là ! Si la pièce ne sonne pas ça ne marche pas.
Tu auras déjà un pied dans la tombe avant de commencer. C’est vrai que c’est un boulot qui est passionnant le son.
Pour en revenir sur ton GMT-19, c’est un micro grande membrane polyvalent ou est-il très typé ?
Le GMT-19 vient à la base du Griffon Microphones GMT-12 qui était mon micro le plus vendu, qui était le plus demandé. Un microphone type AKG C12 à transistor. C’était le best-seller, mais comme je suis un peu guedin j’ai décidé d’arrêter.
Et du coup le GMT-12 C’est celui qui est le plus simple à utiliser, ça marche très bien pour la voix, ça marche pour toutes les vocales un peu moderne qui recherche un son un peu ouvert, il va se placer facilement dans le mix, où tu n’auras pas besoin d’EQ, pas besoin de gros préamp non plus pour qu’il marche.
Une capsule 47 est beaucoup plus compliquée à faire fonctionner, où là il faut des très beau préamps, il ne faut pas hésiter à mettre un Pultec EQP-1 pour récupérer un peu d’air parce que c’est quand même un peu bouché. C’est un peu dur même dans l’aigu. Un U47 il ne faut pas croire que c’est le plus smooth du monde. À l’époque un Neumann U47 quand il était mixé à Sunset Sound ou autres, il passait 40 fois dans la table de mixage, le magnétophone à bandes, les compresseurs 1176. Donc tu avais une dizaine, quinzaine de transformateurs qui faisaient leur boulot, qui transformaient le son et qui donnaient une patte sonore incroyable.
Quand tu branches un U47 dans une carte son moderne, ce n’est pas terrible. Tu te dis, c’est quoi ce truc-là, le son est dur, bon il y a pas mal de graves ok, mais elle est ou la définition, elle est où la précision. Tu peux vitre être déçu parce que les gens sont habitués à des microphones chinois avec des capsules très ouvertes. Par contre, ce microphone quand tu choisis bien ce pour quoi tu vas l’utiliser c’est là que ça va le mieux marcher, si tu sais dans quelle bécane tu vas le faire rentrer, le couple compresseur 1176, LA2A, avec un égaliseur EQP-1 et un préampli Neve 1073, là d’un coup c’est une Roll’s Royce.
Par contre, le GMT-12 tu le branches dans n’importe quelle carte son tu as un effet whaou tout de suite. Il a beaucoup de gain, une belle proximité, une belle ouverture dans l’aigu. Ce n’est jamais agressif, tu n’as pas de sifflante. Tu as un son qui est réalisé déjà à la base. C’est pour ça que les gens l’aiment beaucoup.
Et du coup le Griffon Microphones GMT-19 par rapport au Griffon Microphones GMT-12 se positionne comment ?
Alors comme je te disais le GMT-19 va être en trois partis, type 47, 67 et 12. Pour le moment le premier qui est sortie, c’est le 67. Et le type C12 j’en ai déjà fait assez alors je suis parti sur une capsule 67. La capsule 67 est quand même plus typé vintage. Elle a un peu d’air, elle a un gros médium qui donne une chaleur balèze et une proximité qui est assez folle. Donc au final il se situe entre un U47 et un C12. Tu as la chaleur, un peu la précision, mais moins qu’une capsule 12.
Parle-nous un peu de ton micro étonnant le Griffon Microphones Fuzzyphone ?
Ce micro est vraiment marrant, c’est un des plus produits, il est un peu pénible à fabriquer. Je ne le vends vraiment pas cher pour que ce soit vraiment un jouet que tu utilises dans n’importe quelle prise de son. C’est vraiment le petit micro que t’achète pour te marrer avec. Tu peux avoir le mieux comme le pire, mais c’est parfois le pire qu’on aime. En fait c’est un Fuzz comme pour les guitares électriques mais en microphone.
Tu peux l’utiliser sur la voix avec un micro large capsule c’est génial, que tu vas pouvoir mixer pour rajouter de la distorsion, pour de la room de batterie très sale, très trip hop. Même sur une guitare classique tu peux en faire une guitare électrique. Et tu peux doser sur le microphone le taux de distorsion que tu vas ajouter. C’est un micro qui est très apprécié pour tout ce qui est rock ou blues… Il se vend partout dans le monde, beaucoup en Angleterre.
Merci de m’avoir accordé de ton temps, de nous avoir parlé avec passion de ton métier et de Griffons Microphones, je reviendrais vers toi avec plaisir pour te parler de General Audio Research.
Pour en apprendre plus
Je suis très heureux de pouvoir soutenir l’artisanat français à travers Griffon Microphones : Microphones made in France fabriqués à la main par Sammy Maujard. Si tu cherches un micro large ou petite membrane de grande qualité pour ton studio ce n’est pas la peine d’aller chercher plus loin. Je te laisse lire la très bonne conversation que j’ai eue avec Sammy.
Griffon Microphones : Le micro de studio Made In France
Salut Sammy peux-tu en quelques mots nous présenter ton parcours jusqu’à Griffon Microphones ? Ton métier ?
Avant je cumulais beaucoup de travail, machiniste dans les théâtres, assistant son en studio, montage de scène dans les festivals. J’essayais de rester dans le milieu de la culture, en montant en parallèle Griffon Microphones et General Audio Research qui est mon autre boite qui est la plus pour faire des prototypes, ou des circuits imprimés, un peu toutes les envies.
J’ai interviewé récemment Marc Henry de l’Atelier du Microphone tu le connais peut-être ?
Oui, c’est un ami on est souvent en contact, on s’entraide de temps à autre. C’est un petit milieu, ça se sait vite. On est presque voisin.
Je suis vraiment content qu’il y ait des artisans comme vous qui fabriquiez du matériel audio et des microphones de qualité. En plus Griffon Microphones pratique vraiment des prix abordables.
J’essaie, ça fait partie du comment et pourquoi j’en suis arrivé à fabriquer des micros. Le début c’était quand tu veux t’équiper pour un studio, le vintage c’est hors de prix et le neuf de qualité est hors de prix aussi.
Donc tu fais un peu comme tout le monde au début tu achètes des micros bas de gamme chinois, tu n’as pas le choix. Ça permet de découvrir mais tu vois vite les limite de ce matos.
Donc la seule solution ça a été de fabriquer du matériel. Pour pouvoir mette toute la qualité possible, en matière de composants, de recherche de son, et de bon prix aussi.
Du coup j’ai attaqué comme ça, au départ j’ai fabriqué des préamps pour mon utilisation personnelle en studio. Et au fur et à mesure les copains m’ont sollicités pour leur en fabriquer. Puis c’est devenu une grosse passion, j’adore faire ça. J’ai donc fait de moins en moins de son et de plus en plus de fabrications de machines.
J’ai toujours aimé fabriquer des choses c’est de la recherche, du développement. Et d’avoir des très bons retours c’est cool, ça fait toujours plaisir. Et le but est de pouvoir proposer du très bon matériel à prix juste
Tu es musicien ou technicien à la base ?
Je fais un peu de batterie mais j’ai vite arrêté de prétendre être batteur. Je préfère vraiment l’enregistrement. C’est vraiment le monde du studio qui m’intéresse. Surtout la réalisation.
Fais-tu aussi de la réparation ?
Non j’en fais très peu. J’en fais à la demande pour certains clients, ou certaines demandes un peu spéciales, ça m’arrive mais j’évite au maximum. Je laisse la réparation aux réparateurs. Je préfère me concentrer sur le développement et la production. Je suis quasi un des seuls fabricants de microphone en série en France. Je trouve ça incroyable qu’il n’y ait pas plus de fabricants.
C’est pour ça que tu t’es orienté vers le circuit imprimé, pour pouvoir faire de la série et des prix abordables ? Le câblage en l’air ça ne t’intéresse pas ?
Alors il y a beaucoup de légendes sur le câblage en l’air. Ce n’est pas forcément mieux. Le circuit imprimé on peut avoir des choses vraiment meilleures on peut réduire toutes les inductions. Il y a beaucoup de problèmes que l’on peut régler sur des circuits imprimés. C’est vraiment une fausse idée de se dire qu’un micro câblé en l’air ça sonne mieux que sur PCB.
Pour moi le câblage en l’air, c’est uniquement esthétique, en plus dans un micro à tube ça peut être dangereux, il y a de la haute tension il faut faire gaffe. J’en ai fait un peu pour les pédales de Fuzz c’est mignon, c’est rigolo. Mais je préfère vraiment la technique du circuit imprimé. Je trouve ça vraiment plus élaboré.
Le micro à lampe je ne suis pas ultra fan. La technologie est dépassée dans les micros à tubes. J’aime bien certaines couleurs mais le problème… En gros les ingénieurs d’époque quand ils concevaient un micro à tube parce qu’ils n’avaient pas le choix, le transistor n’était pas encore disponible. Ils essayaient de trouver la meilleure qualité possible, le moins de distorsion, le moins de couleur possible. Que ce soit le plus neutre, le plus droit.
Et au final quand tu mets un tube dans un micro t’essaies qu’il soit le plus plat possible, et du coup ça n’a plus grand intérêt de mettre un tube, autant mettre un transistor qui fera mieux le boulot, qui consommera moins d’énergie, qui sera moins dangereux, et qui aura moins de bruit de fond. C’est une nostalgie que je peux comprendre. Je fais quand même quelques micros à tube où il y a vraiment le son bien distinct du tube et c’est cool aussi, mais je pense qu’il y a beaucoup de trucs beaucoup mieux maintenant.
Pour ma part j’ai une affection particulière avec les grands micro à lampes d’époque, le Neumann U67, le Neumann U47 ou le AKG C12 ont un son fabuleux je trouve.
C’est clair ça sonne super bien. Mais maintenant refaire des clones de Neumann U47 avec des tubes EF800 ou des tubes vraiment modernes, ça n’a pas vraiment d’intérêt. Retrouvé une vraie EF14 ou VF14 de toute façon c’est impossible maintenant et aucun ne sonnera pareil.
Ça ne me dérange pas quand j’ai des clients qui me demandent de partir dans des gros délires de son j’adore, c’est toujours la passion qui parle. Mais en série ce n’est pas le genre de choses que je ferais. Ça ne m’intéresse pas et puis il y a d’autres trucs à faire, d’autres trucs à développer qui sont maintenant plus intéressants.
Après certaines personnes font des clones pour s’entrainer, les circuits sont à disposition sur le net.
C’est clair les clones c’est vraiment un truc super pour pouvoir se mettre à la fabrication. Tu peux vraiment commencer à bien te marrer avec.
Après en tant que fabricant je ne préfère pas faire des clones, je préfère faire des inspirations. Je préfère partir sur des schémas et les retravailler, faire des sortes de Frankenstein microphones. On ne réinvente pas l’eau tiède non plus, mais tu vois de reprendre le transfo par ici, la capsule par là, certains composants modernes, d’autres plutôt rétro, vintage. Il y a un assemblage qui fait que tu trouves des choses maintenant qui n’existaient pas avant. Tu prends le meilleur des mondes au final.
C’est pour ça que mes micros sont appréciés aussi, on repart sur des bases classiques comme un AKG C12 ou un Neumann U47 ou Neumann U67. Mais avec quelque chose en plus. Et puis surtout le prix parce que aujourd’hui un C12 ça vaut 20 000 € un U47 pareil et puis il faut avoir les reins solides pour la maintenance.
Effectivement je ne vois plus l’intérêt aujourd’hui pour un studio d’acquérir des micros vintage comme ça.
J’ai eu la chance d’en acquérir des Shoeps m221 des micros qui font partie des plus beaux micros qui n’ont jamais été créés, mais tu n’oses pas les utiliser au final. J’en ai deux et je sais que l’un servira juste à réparer quand l’autre sera cuit, rien que le tube coute 1000 €. C’est une folie, maintenant pour les studios ça ne vaut pas le coup.
J’avais entendu Soundcloud de Griffon Microphones des versions de U47 a tube. Tu t’étais amusé à en faire ?
Oui j’en ai fait des U47 mais en utilisant des tubes Russe, avec des techniques un peu marrantes de circuits, avec des capsules type k47, pour retrouver un peu ce son cette chaleur, cette grosseur dans le médium, ce grain.
Avec le circuit original ?
Non toujours avec mes propres circuits. Je cherche toujours aussi la simplicité des circuits.
Je pense que c’est une bonne optique.
Oui il y a quelque chose d’intéressant à simplifier au maximum des fois. De faire les choix les plus pertinents possibles et de t’amuser en le faisant.
Certains circuits de microphones sont des orgies de composants, un peu des délires d’ingénieurs, pour déposer des brevets ou des trucs comme ça mais au final ça ne sonne pas mieux.
Tu as appris l’électronique comment ?
Tout seul, en expérimentant, je suis resté enfermé chez moi pendant une bonne année quand même. Ça demande beaucoup d’implication. Après tu as l’impression de dédier ta vie à l’électronique.
Je comprends j’ai un peu mis le nez dedans, je me suis mis à bricoler une FuzzFace. J’ai regardé les circuits de microphone mais c’est vrai que si tu te mets là-dedans il ne faut faire plus que ça !
C’est comme un musicien il faut répéter toute ta vie. Ça demande du temps et de l’implication pour être bon dans ce que l’on fait. J’ai dû mettre de côté le studio ou la réalisation.
Ce que j’aime beaucoup c’est de penser que les gens utilisent ton matériel et qu’ils produisent de belles choses. C’est intéressant de donner des outils à des artistes, un peu l’homme de l’ombre.
Un truc que j’aime beaucoup chez Griffon Microphones, et je trouve ça important. C’est que tes micros en plus de sonner très bien sont esthétiquement vraiment beaux.
Ça fait partie aussi de la recherche d’avoir des beaux outils. Avec des beaux outils, tu fais des belles productions. On aime les beaux objets. Le Griffon Microphones GMT-19 qui est sortie là ça fait 6 mois qu’il est en dessin.
J’ai tout de suite repéré l’inspiration du Lomo 19a9. Je trouve que t’a vraiment bien réussi ton truc.
Oui ce micro-là m’a toujours halluciné, je trouve le look incroyable, trop beau mais trop cher aussi ! Il est inspiré aussi de l’art déco Belge et Français c’est un retour. Pour plaire aussi aux clients il faut qu’il se raccroche à une identité qu’ils connaissent déjà un peu. Il ne faut pas le négliger. Quand t’es coiffeur on te demande des coupes carrées tu ne fais pas du triangle. Il faut être raccord. Des corps type C12, U47 j’en ai fait un moment, mais là j’avais besoin de trouver un visuel qui soit unique, qui soit reconnaissable. Je ne voulais pas utiliser des corps de microphone générique pour avoir une identité plus marquée.
Les corps des micros Griffons Microphones tu les fais faire où ?
Ça c’est secret ! Depuis la crise du COVID j’ai restreint les fournisseurs, pour que ça ne soit pas trop éparpillé dans le monde. Des composants viennent du monde entier des fois c’est trop. mais quand tu fais appel à des tourneurs fraiseurs en France c’est une grosse galère et c’est bien dommage. J’en fais en France aussi, mais j’en fais dans toute l’Europe, certaines pièces en Italie d’autres ailleurs, c’est une grosse recherche.
Justement je te posais la question pour savoir si tu bossais avec le petit tourneur fraiseur du coin. Je me suis dit ça ne ressemble pas à du made in China.
Oui aussi. Et effectivement c’est du made in Europe. Mais c’est compliqué certains délais c’est six mois d’attente. Alors effectivement je pourrais les faire fabriquer en Chine, mais ça ne m’intéresse pas non plus. Et toujours garder un bon prix, ça fait beaucoup de choses, c’est un peu un casse-tête. Mais ça se fait, il ne faut pas lâcher.
Sur le site de Griffon Microphones j’avais vu passer un magnifique micro inspiré du AKG C414 ou du C412 qui me donnait vraiment envie.
C’était un super projet, pour le moment j’en ai fait une vingtaine. Et c’était une série limitée. J’ai eu l’occasion d’avoir un clone de corps quasi parfait en petite quantité et j’ai sauté dessus. J’étais partie sur un clone du AKG C412 qui était la première version du AKG C414. Un tout petit plus simplifié, je n’avais pas mis de PAD ce genre de choses. C’est vraiment pour moi la meilleure époque de ce 414 : transformateur, un transistor, un circuit assez simple bien foutu, assez peu de composant et une capsule 412 en laiton. Pas facile à monter, tout au chausse-pied. C’était sympa à faire, je m’en suis quand même gardé deux.
Quand tu me dis que tu ne mets pas de PAD dans ta démarche sur tes microphones tu évites ce genre de choses pour simplifier au maximum le circuit ? C’est une marque de fabrique Griffon Microphones ?
Quand je pars d’un schéma, j’essaie vraiment de faire une ligne qui amplifie. La capsule, l’adaptation d’impédance et il faut que ça parte dans le préampli le plus rapidement possible. Ça veut dire aussi le moins de composants, donc pas de PAD, pas de coupe bas, pas de coupe haut, pas de multidirectivité avec des résistances dans tous les sens. Ça veut dire moins de circuit de contrôle d’alimentation. Tu vois j’essaie d’être le plus passif possible dans la gestion d’alimentation dans le microphone. C’est ce qui donne un son pur, moins de distorsion, moins de bruit.
Ça permet également de passer moins de temps à la fabrication et de réduire les coûts. Si je voulais faire de la multidirectivité le microphone prendrait un bon billet d’un coup.
Je trouve que c’est une bonne approche la simplicité, le son pur, le coupe bas on peut le faire au mix…
Les PAD ça serait peut-être les seules choses que je pourrais rajouter, mais le problème des PAD, c’est un switch et un condensateur en plus et ça ramène beaucoup de bruit quand même.
Après les coupes bas, les coupe haut tu peux le faire sur ton préampli ou sur ton DAW. Et pour la multidirectivité j’ai pour principe de faire un microphone par directivité. Si t’as besoin d’une directivité en 8 tu peux prendre un micro à ruban, ou je vais bientôt faire des micros électret figure en 8. Un micro cardio, un omnidirectionnel, c’est un peu un délire d’audiophile mais un micro par directivité je trouve que ça marche. Et 95% de mes clients ont besoin d’une directivité, cardioïde ou cardioïde un peu plus large.
Si tu utilises des microphones omnidirectionnels, vraiment je te conseillerais de partir sur des petites capsules comme le Griffon Microphones GMT-120 ou le Griffon Microphones GMT-110. Plutôt même le 120 quitte à prendre un omni on cherche à avoir la réponse en fréquence la plus plate. Dès que tu veux faire une capsule cardio tu vas toucher à la physique de la capsule et tu vas déformer le son forcément. Du coup si tu cherches la réponse la plus plate possible, le plus neutre le timbre le plus défini possible, et bien il vaut mieux partir sur des petites capsules comme le GMT-120 où tout est fait pour être le plus clean possible.
La capsule omnidirectionnelle en large capsule maintenant aujourd’hui ça ne vaut plus vraiment le coup. Ça dépend aussi du style musical où tu choisiras des outils différents forcément.
La coloration si tu cherches ça tu peux l’avoir autrement !
Complètement, d’où aussi le son des tubes on en revient toujours à là. Je préfère par exemple des préamplis à tube, je suis ultra fan. Là ça a tout son sens. Tu peux récréer des vieilles machines, j’ai mis des circuits sur General Audio Research, les vieux RCA BA-2C c’est géant, les RED-47. Tous ces préamplis là où tu vas pouvoir facilement tordre le son comme tu le souhaites et de là avoir une vraie couleur sonore.
Le RCA BA-2C comparé au RED 47 de chez Abbey Road est complètement différent, pourtant on est dans les mêmes années. Mais le RED 7 est un préampli ultra clean au départ, pour le tordre il faut le guider !
Parle-nous un peu du Griffon Microphones GMT-110.
Le GMT-110 est un micro qui est dans la même veine que le GMT-120 mais avec une capsule qui est beaucoup plus aéré. C’est un microphone qui est fait pour être très abordable. J’ai fait tout un circuit qui n’est pas sensible au rayonnement électromagnétique. Il est ultra léger, il est fait pour être soit suspendu sur des coursives, ou mis dans des salles vraiment au lointain, pour prendre toute l’atmosphère.
Et le GMT-120 lui est fait pour du closemic, plutôt proche. Ce sont deux couples que tu peux utiliser en même temps. Si tu enregistres une scène dans un auditorium avec un trompettiste par exemple. Tu mets un couple de GMT-120 en ORTF ou en petit AB (techniques de prise de son stéréo) à mètre de distance du musicien. Et pour avoir toute l’atmosphère et la réverb, tu mets les GMT-110 au milieu de ta salle en couple grand AB à plusieurs mètres de distance pour avoir un truc vraiment immense et là tu vas vraiment avoir que le son de la réverb et de la pièce.
Et tu peux marier tout ça dans ton mix avec ces simples deux couples, tu vas pouvoir faire une stéréo immense avec toute l’ambiance, mais en même temps précis grâce aux GMT-120.
Ça pourrait marcher avec deux GMT-120 en overhead de batterie et deux GMT-110 en micro room ?
Complètement oui. Après il y a plein de clients qui utilisent les GMT-110 en proximité et qui disent, c’est génial, c’est super précis. Il y a une grosse bosse à 8 kHz, ça marche d’enfer mais tu auras une batterie qui sera ultra ouverte c’est clair.
Et j’ai des clients qui m’ont envoyé des prises de son piano où ils étaient à un mètre du piano et c’est super beau.
Ça doit être beau sur les pianos ! Mais si tu as une bosse comme ça sur les overhead batterie ça ne fait pas trop de brillance sur les cymbales ?
Après ça c’est le choix du réalisateur !
Ton nouveau Griffons Microphones GMT-19 est à transistor ? Tu vas peut-être en faire un à tube ?
Alors oui il est à transistor. Le GMT-19 est une nouvelle plateforme, pour les larges capsules, même voir petites capsules. C’est-à-dire que le corps c’est la plateforme et après je vais pouvoir faire des séries à transistor, à tube, avec différentes capsules type 47, 67 et 12 en changeant les numéros de série. C’est le nouveau corps, la nouvelle plateforme de chez Griffon Microphones.
Le premier à sortir c’est le 67 et ensuite je vais pouvoir ajouter les capsules 47, les capsules C12. Faire une autre version du GMT-120 dans ce corps de microphone, avec des composants encore plus haut de gamme, dans les condensateurs… Ça va me servir de base pour développer une multitude de différents micros.
Parce que tu arrives à rentrer un tube là-dedans ?
Par contre, la version à tube ce n’est pas encore prêt d’être sorti, il y a du boulot ! En fait là-dedans je ne peux rentrer que le tube et une partie du circuit. Le transfo et la grosse partie de l’électronique, elle va être mise dans l’alimentation. C’est le seul moyen parce qu’il n’y a pas beaucoup de place.
Tu utilises des condensateurs papiers huilés ?
Oui j’en ai fait, j’ai fait des séries de 47 au papier huilé. J’ai la chance d’avoir un fournisseur juste à côté de chez moi qui récupère des stocks incroyables.
Donc pour toi le condensateur papier huilé a une différence audio ?
Ça a une différence, mais il faut que ce soit en adéquation avec le circuit que tu cherches. Quand je cherche un son très moderne, des transitoires très rapides, je ne peux partir sur quelque chose avec des vieux composants des années 1940, ça n’a pas de sens. Là j’irais plutôt chercher du côté industrie aéronautique ce genre de choses, où tout est contrôlé.
Mais si tu veux du vintage, je pars sur des condensateurs papiers huilés, des tubes Russes, et du câblage en coton huilé, quitte à le faire autant le faire à fond.
Selon toi est-ce-que aller dans « l’ultra-moderne », les réponses très rapides en transitoires ne donne pas un côté « froid » au son ? Où est-ce simplement une reproduction plus fidèle de la réalité ?
Alors ça, c’est très intéressant ce que tu dis. Je pensais faire un petit lexique de ces mots-là qu’on utilise beaucoup en studio. L’analogie du chaud, du froid. C’est très proche aussi de ce que l’on fait dans la photographie, quand on cherche un objectif… Ce n’est pas si simple.
On peut vouloir aimer quelque chose de chaud mais précis en même temps. Après on va avoir un terme péjoratif qui est chirurgical par exemple pour un microphone.
Ça peut être ultra plat, ultra clean, ça ne conviendra pas forcément pour du rock. Mais prendre de la musique baroque dans une église avec ce son-là où il n’y a aucune déformation du son, c’est génial, c’est ce que tu recherches.
Après on cherche souvent des casques audios qui sont chirurgicaux au contraire. Ou des enceintes de monitoring. Il faut que ce soit plat, on ne cherche pas des enceintes de monitoring chaudes, colorées ou vintages !
Au final il n’y a pas de mieux ou de moins bien tout est question de l’utilisation du microphone selon son contexte. Il n’y a pas de micro trop chaud ou trop froid ça dépend du type de musique, du son que tu cherches. C’est tout le boulot du réalisateur, sélectionner le bon micro, le bon préampli. Utilisé dès la prise le matériel qui faut pour avoir le son final voulu.
C’est une chose que vraiment beaucoup d’ingé son devraient faire c’est d’utilisé le plus possible le micro, la compression, l’EQ à la prise de son. De ne pas avoir peur de ça. Tiens je fais du blues rock années 50, je vais chercher le matos qu’il faut pour sonner comme ça. Et tu as déjà la couleur à la prise de son, le gros du boulot est déjà fait. Choisir le micro le plus droit possible avec la pièce, la plus droite possible et tout faire en post prod au mixage est une erreur.
Les plugins, les simulations de micro, les simulations de préampli, c’est super pratique au final tu deviens informaticien, tu ne te marres plus. Par contre c’est moins cher.
Comparé à avoir une armada de compresseur audio hardware, en plugin tu peux retrouver une couleur, une entité et l’utiliser à l’infini sans claquer autant de tunes.
C’est une histoire d’argent c’est toujours ça sinon tout le monde aimerait avoir des colonnes de compresseur 1176 c’est clair et net !
Mais c’est vrai que si tu peux déjà faire le gros du boulot à la prise de son avec ton matériel à disposition par les choix des microphones, des préamplis il faut aller là-dedans parce que tu ne vas pas enregistrer du rock comme de la musique classique.
Oui c’est clair et tu t’améliores beaucoup aussi en termes de réalisation. Et après le premier EQ c’est la room.
Oui déjà il faut commencer par là ! Si la pièce ne sonne pas ça ne marche pas.
Tu auras déjà un pied dans la tombe avant de commencer. C’est vrai que c’est un boulot qui est passionnant le son.
Pour en revenir sur ton GMT-19, c’est un micro grande membrane polyvalent ou est-il très typé ?
Le GMT-19 vient à la base du Griffon Microphones GMT-12 qui était mon micro le plus vendu, qui était le plus demandé. Un microphone type AKG C12 à transistor. C’était le best-seller, mais comme je suis un peu guedin j’ai décidé d’arrêter.
Et du coup le GMT-12 C’est celui qui est le plus simple à utiliser, ça marche très bien pour la voix, ça marche pour toutes les vocales un peu moderne qui recherche un son un peu ouvert, il va se placer facilement dans le mix, où tu n’auras pas besoin d’EQ, pas besoin de gros préamp non plus pour qu’il marche.
Une capsule 47 est beaucoup plus compliquée à faire fonctionner, où là il faut des très beau préamps, il ne faut pas hésiter à mettre un Pultec EQP-1 pour récupérer un peu d’air parce que c’est quand même un peu bouché. C’est un peu dur même dans l’aigu. Un U47 il ne faut pas croire que c’est le plus smooth du monde. À l’époque un Neumann U47 quand il était mixé à Sunset Sound ou autres, il passait 40 fois dans la table de mixage, le magnétophone à bandes, les compresseurs 1176. Donc tu avais une dizaine, quinzaine de transformateurs qui faisaient leur boulot, qui transformaient le son et qui donnaient une patte sonore incroyable.
Quand tu branches un U47 dans une carte son moderne, ce n’est pas terrible. Tu te dis, c’est quoi ce truc-là, le son est dur, bon il y a pas mal de graves ok, mais elle est ou la définition, elle est où la précision. Tu peux vitre être déçu parce que les gens sont habitués à des microphones chinois avec des capsules très ouvertes. Par contre, ce microphone quand tu choisis bien ce pour quoi tu vas l’utiliser c’est là que ça va le mieux marcher, si tu sais dans quelle bécane tu vas le faire rentrer, le couple compresseur 1176, LA2A, avec un égaliseur EQP-1 et un préampli Neve 1073, là d’un coup c’est une Roll’s Royce.
Par contre, le GMT-12 tu le branches dans n’importe quelle carte son tu as un effet whaou tout de suite. Il a beaucoup de gain, une belle proximité, une belle ouverture dans l’aigu. Ce n’est jamais agressif, tu n’as pas de sifflante. Tu as un son qui est réalisé déjà à la base. C’est pour ça que les gens l’aiment beaucoup.
Et du coup le Griffon Microphones GMT-19 par rapport au Griffon Microphones GMT-12 se positionne comment ?
Alors comme je te disais le GMT-19 va être en trois partis, type 47, 67 et 12. Pour le moment le premier qui est sortie, c’est le 67. Et le type C12 j’en ai déjà fait assez alors je suis parti sur une capsule 67. La capsule 67 est quand même plus typé vintage. Elle a un peu d’air, elle a un gros médium qui donne une chaleur balèze et une proximité qui est assez folle. Donc au final il se situe entre un U47 et un C12. Tu as la chaleur, un peu la précision, mais moins qu’une capsule 12.
Parle-nous un peu de ton micro étonnant le Griffon Microphones Fuzzyphone ?
Ce micro est vraiment marrant, c’est un des plus produits, il est un peu pénible à fabriquer. Je ne le vends vraiment pas cher pour que ce soit vraiment un jouet que tu utilises dans n’importe quelle prise de son. C’est vraiment le petit micro que t’achète pour te marrer avec. Tu peux avoir le mieux comme le pire, mais c’est parfois le pire qu’on aime. En fait c’est un Fuzz comme pour les guitares électriques mais en microphone.
Tu peux l’utiliser sur la voix avec un micro large capsule c’est génial, que tu vas pouvoir mixer pour rajouter de la distorsion, pour de la room de batterie très sale, très trip hop. Même sur une guitare classique tu peux en faire une guitare électrique. Et tu peux doser sur le microphone le taux de distorsion que tu vas ajouter. C’est un micro qui est très apprécié pour tout ce qui est rock ou blues… Il se vend partout dans le monde, beaucoup en Angleterre.
Merci de m’avoir accordé de ton temps, de nous avoir parlé avec passion de ton métier et de Griffons Microphones, je reviendrais vers toi avec plaisir pour te parler de General Audio Research.